L’étrange développement des siphonophores observé au microscope confocal

Catriona Munro, doctorante à l’Université Brown de Providence, utilisatrice des services d'EMBRC-France
Surprenants animaux marins, les siphonophores vivent en colonies au sein desquelles les individus se spécialisent dans les rôles de flottaison, natation, alimentation… Peu étudiés depuis la fin des années 60, ils sont au cœur des recherches de Catriona Munro, doctorante à l’Université Brown de Providence (États-Unis) auprès du Professeur associé Casey Dunn[1]. Pour la première fois ils sont étudiés avec des méthodes moléculaires. Si la doctorante s’intéresse à l’intégralité du cycle de vie des siphonophores, ses travaux menés au Centre national de ressources biologiques marines EMBRC France, en mai 2016 et 2017 ciblent les premiers stades du développement embryonnaire.

Le développement des siphonophores est un modèle original pour les recherches sur l’évolution. Ces animaux présentent une symétrie bilatérale dans les premiers stades de leur développement, tout en n’étant pas des bilatériens[2]. Catriona Munro étudie d’une part la formation des axes primaire et secondaire chez les embryons et les mécanismes moléculaires mis en jeu. Son objectif est d’effectuer des hybridations in situ pour l’étude des gènes qu’elle suppose impliqués dans la formation de ces axes, en se basant sur la connaissance de ces gènes chez d’autres animaux. D’autre part, elle analyse les mécanismes impliqués dans spécialisation des individus au sein d’une colonie.

Le projet de Catriona Munro a été retenu lors de l’appel à projets 2015 d’EMBRC-France « Organismes marins modèles en biologie : utilisation et développement » pour venir au printemps 2016 à Villefranche-sur-mer, où l’on peut trouver des siphonophores près des côtes, contrairement à son laboratoire aux États-Unis. Avec l’appui des marins et plongeurs d’EMBRC-France, elle a récolté, au filet à plancton, des œufs et larves d’une dizaine d’espèces, dont Abylopsis tetragona ou Muggaeia atlantica, pour les faire éclore et élever les embryons. Pour cet élevage unique, EMBRC-France a mis à sa disposition des aquariums kreiser – des modèles qui permettent un courant circulaire, indispensable pour le maintien des organismes planctoniques. Avec l’appui de l’équipe du centre de ressources et l’expertise de Lucas Leclère, chercheur CNRS, qui étudie le développement des hydrozoaires, elle a cherché les conditions les mieux adaptées pour assurer le développement de ces animaux. « C’est rare d’avoir en un même lieu un laboratoire en eau de mer, avec des aquariums, et des équipements comme le microscope confocal ! ». Cet équipement de pointe lui a permis d’observer sur place les tissus des siphonophores par immunocoloration, dans les premiers stades de développement. Fragiles, ces structures fines se dégradent rapidement et la possibilité d’accéder immédiatement au microscope leur a permis des observations de qualité. Pour d’autres analyses, comme les hybridations in situ, elle a fixé et emporté ses échantillons. Ses travaux ont pu se poursuivre en 2017 lors d’un second séjour à Villefranche sur Mer dans les installations de l’infrastructure ; EMBRC-France a en effet soutenu son projet sur l’espèce Muggaeia atlantica. « Cette année avons travaillé sur des questions plus ciblées », en se focalisant sur l’espèce Muggaeia atlantica, chez qui les chercheurs ont pu observer une vingtaine d’embryons.

 

[1] http://dunnlab.org/

[2] Les bilatériens sont les animaux dotés – à un moment ou un autre de leur développement – d’une symétrie bilatérale. Il s’agit de la majorité des animaux pluricellulaires (vertébrés, insectes, mollusques,  échinodermes) à l’exception des spongiaires (éponges), des cténophores et des cnidaires (dont font partie les siphonophores, les coraux et les méduses).