5 questions à Stéphanie Auzoux -Bordenave (UMR BOREA MNHN/CNRS/UPMC/IRD

Interview à propos du projet réalisé en 2017 concernant les IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’ORMEAU EUROPEEN H.TUBERCULATA

Equipe projet : Stéphanie Auzoux -Bordenave, (UMR BOREA MNHN/CNRS/UPMC/IRD ; Thématique : Biominéralisation et écophysiologie des mollusques /réponses aux contraintes environnementales), Aïcha Badou (MNHN), Sabine Roussel (UBO), Philippe Dubois (ULB) et Sylvain Huchette (écloserie d’Ormeaux France-Haliotis)

Quel était le contexte de votre projet ?

L'ormeau européen Haliotis tuberculata est un mollusque d’intérêt écologique et économique, et son élevage est actuellement en plein essor. Mais comme tout mollusque, sa croissance et sa survie sont très dépendantes de la variabilité des conditions environnementales actuelles, en particulier le pH. En effet l’acidification et le réchauffement des océans impactent directement son développement larvaire, sa croissance et la formation de sa coquille.

L'originalité du projet a résidé dans le développement d’une approche novatrice afin d'évaluer le comportement des stades juvéniles de ce mollusque face à une combinaison de facteurs environnementaux, tels que le pH et la qualité de la nourriture disponible, et ce lors d’une expérience à long terme menée sur plusieurs mois. Le but était de mettre en place des indicateurs essentiels de l'état de ces organismes (croissance, état physiologique, comportement) et de leur capacité à réagir – et à s’acclimater et/ou s’adapter - aux conditions environnementales.

 

De quels accès aviez-vous besoin pour réaliser votre travail : quels organisme(s)/écosystème(s) marin(s), quelle(s) plateforme(s) technologique(s)/analytique(s), et sur quel(s) site(s)?

Notre travail sur l’ormeau européen H. tuberculata avait été initié deux ans auparavant à la Station marine de Concarneau (MNHN) mais il nécessitait de passer à un stade expérimental étendu notamment sur le plan du contrôle continu du pH et de l’alimentation en macroalgues. Nous avions aussi besoin d’une structure adaptée pour l’élevage de nos mollusques, ce qui nécessitait d’utiliser les services d’un Centre de Ressources Biologiques.

Nous nous sommes donc adressés à EMBRC-France pour trouver une plateforme d’expérimentation qui nous permette d’évaluer sur le long terme les effets conjugués de l’acidification et de l’alimentation sur les stades juvéniles de l'ormeau européen. Nous avons ainsi été accueillis à la Station Biologique de Roscoff et avons bénéficié des infrastructures aquariologiques adéquates pour mettre en place cette expérimentation. La mise à disposition de salles de travail et d’équipements de laboratoire a, quant à elle, permis de réaliser les prélèvements comme les analyses biologiques et comportementales dans des conditions optimales pour en faire le suivi.

 

De quelle(s) expertises avez-vous bénéficié ? Quels ont été vos contacts et interlocuteurs sur site? Comment EMBRC-France a-t-elle favorisé/optimisé votre projet ?

L’expertise scientifique et technique de l’équipe de Sophie Martin a été déterminante sur l’aspect expérimental. Cela nous a permis d’élargir nos expertises sur les modèles biologiques, de faire évoluer nos compétences sur l’alimentation et in fine de développer un projet de plus grande ampleur.

Le cadre EMBRC-France a aussi offert un accompagnement logistique et un suivi administratif logistique pilotés par l’équipe de Cécile Cabresin, ce qui a permis d’optimiser l’accueil de nos équipes et de nos partenaires scientifiques à la Station Biologique de Roscoff.

 

Quels sont les résultats obtenus ?

L’analyse des propriétés biomécaniques de la coquille (résistance à la fracture, élasticité) en condition de stress a permis d'apporter des données nouvelles sur la capacité des ormeaux, notamment les juvéniles, à résister aux modifications des conditions océaniques (acidification plus particulièrement). Les résultats de ce projet multidisciplinaire montrent l’importance de prendre en compte plusieurs facteurs de stress dans les expérimentations afin de mieux appréhender les impacts des changements globaux sur la biologie et le comportement des mollusques.

Une publication issue de ces travaux est en cours de rédaction et les résultats ont déjà été présentés lors de 2 séminaires à la SBR et à l’UBO et lors d’un colloque sur l’ormeau européen qui a eu lieu à l’Aber-Wrac’h en septembre 2018.

Ce projet, soutenu par EMBRC-France, a en outre renforcé les liens entre les partenaires (MNHN, UBO, ULB et SBR) et créé des bases solides valorisant plus largement notre projet scientifique. Cela nous a permis de répondre à un appel à projet national « Acidification des océans » qui s’est traduit par l’obtention d’un programme financé sur 3 ans intitulé « Impact du Changement Océanique sur la Biologie des organismes calcifiants : le cas de l’ormeau Européen Haliotis tuberculata (ICOBio) » et a abouti au recrutement en CDD d’un Chargé d’études en biologie marine.

Solliciterez-vous à nouveau les expertises et structures d’EMBRC-Fr dans un avenir proche ?

Cette première expérimentation ne nous a pas permis de prendre en considération les effets croisés de la température et du réchauffement climatique. Une nouvelle série d’expérimentations combinant les effets du pH, de la température et de l’alimentation est envisagée pour2020, aussi nous pourrions à nouveau solliciter les expertises et structures d’EMBRC-France.

 

Le point de vue de l’Equipe de Sophie Martin / SBR

Ce projet soutenu par EMBRC nous a permis de renforcer les liens existants entre notre équipe de recherche travaillant sur l’impact des changements globaux sur les organismes benthiques et l’équipe de la station Marine de Concarneau, experte sur la biominéralisation des ormeaux. Ce projet nous a permis de développer nos recherches sur un nouveau modèle d’étude (l’ormeau) et de fonder et/ou renforcer des collaborations avec les autres partenaires impliqués dans ce projet (LEMAR/UBO/Plouzané et ULB/Bruxelles).

En conclusion, ce projet aura permis de valoriser les travaux sur le changement global menés à la SBR et rendus possible grâce au soutien de l’équipe RAS et de l’infrastructure (CRBM) mise à disposition à la SBR et parfaitement adaptée pour ce genre d’expérimentations. Il aura également permis de renforcer et/ou fonder de nouvelles collaborations et de faire émerger de nouvelles idées.

Photo du système expérimental (© Sophie Martin / SBR / EMBRC-France)